Edward Bernays : Comment l’élite démocratique manipule-t-elle l’opinion du peuple ?
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Par Yanis •
Pour imposer leur pouvoir, les régimes autoritaires ont utilisé la force ; nos démocraties ont inventé les relations publiques.
Peu de médias racontent l’influence d’Edward Bernays, surtout dans les prétendues démocraties contemporaines.
1 - Edward Bernays : fondateur des relations publiques
Edward Bernays est le père de la propagande politique et industrielle moderne. Il préfère utiliser le terme « relations publiques » à la place de « propagande », car il trouve que ce dernier a une connotation péjorative.
Il a élaboré plusieurs théories très subtiles et discrètes visant à manipuler l’opinion publique, toujours utilisées dans nos pseudo-démocraties. Le titre de son livre phare, Propaganda, a pour sous-titre : Comment manipuler l’opinion en démocratie ?
2 - La théorie de Bernays
Dans son livre Propaganda, Edward Bernays expose sa vision de la démocratie :
« La manipulation consciente et intelligente des actions et des opinions des masses est un élément important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme invisible de la société constituent un gouvernement invisible qui est le vrai pouvoir dans notre pays. Nous sommes gouvernés, nos esprits sont formés, nos goûts éduqués, nos idées suggérées, en grande partie par des hommes dont nous n’avons jamais entendu parler. »
— E. Bernays, Propaganda
La démocratie, selon Bernays, n’est pas un régime dans lequel le peuple a le pouvoir, mais un régime où le peuple est directement manipulé par une élite industrielle et politique.
Sachant que ses méthodes sont très utilisées par les médias, les industriels et les gouvernements, la question se pose : le peuple est-il réellement maître de ses pensées ? Les peuples occidentaux vivent-ils vraiment en démocratie, comme le prétendent leurs gouvernements ?
3 - Mise en pratique de la théorie
Voici trois événements qui permettent d’illustrer le rôle déterminant qu’a joué Bernays dans le contrôle de l’opinion publique.
Tout d’abord, à ses débuts, Bernays tenta de retourner l’opinion publique américaine pour la faire contribuer à l’effort de guerre. En effet, au sein de la Commission Creel en 1917, la population américaine était profondément pacifiste. Le président Wilson venait de s’enrôler dans la Première Guerre mondiale ; il avait donc besoin que la Commission Creel mette en place une vaste opération de propagande pour faire adhérer la population au bellicisme de l’élite. Les travaux de cette commission s’avérèrent être un vif succès : grâce à l’utilisation de la peur, ils réussirent à provoquer un élan nationaliste dans la population américaine et à faire en sorte que des milliers d’Américains rejoignent l’armée.
Ensuite, dans les années 1920, Bernays fut contacté par des industriels du tabac qui cherchaient à augmenter leurs profits. Il eut alors l’idée de faire en sorte que les femmes fument, afin d’élargir le marché. En 1929, il organisa une manifestation où des femmes rémunérées défilaient, cigarette à la main — immortalisées par des centaines de caméras payées par les industries du tabac — avec des pancartes « Torches de la liberté ». Cette mise en scène influença énormément les mentalités des femmes américaines : la cigarette ne fut plus perçue comme un symbole de vulgarité, mais comme un symbole d’émancipation. Il est important de noter que ce changement de paradigme ne s’est évidemment pas opéré au nom de la liberté : Bernays n’en avait rien à faire de la liberté des femmes face à l’oppression masculine ; son but était uniquement d’augmenter les ventes de l’industrie du tabac. Les seuls bénéficiaires de ce théâtre furent donc les firmes de tabac.
Enfin, la technique de propagande américaine de désigner un ennemi, officiellement pour lutter contre le terrorisme ou la dictature (exemple : intervention en Irak, Libye ou en Afghanistan) et officieusement pour exploiter les richesses. Cette politique agressive américaine débuta au 1950, pour l’une des premières fois lors du renversement du gouvernement de Jacobo Árbenz par la CIA au Guatemala. Jacobo Árbenz Guzmán, élu démocratiquement, avait nationalisé les terres non cultivées pour les redistribuer aux paysans pauvres. Certaines multinationales américaines, opposées à cette politique, firent appel à Bernays. Il lança alors une campagne médiatique aux États-Unis et au Guatemala pour faire croire que Jacobo Árbenz était un pion de l’URSS, préparant ainsi l’opinion à un coup d’État orchestré par la CIA. Quelques temps plus tard, la CIA renversa Árbenz et plaça au pouvoir Carlos Castillo Armas, un colonel autoritaire soumis aux États-Unis, ce qui plongea le pays dans une guerre civile (1960-1996) qui fit environ 200 000 morts.
Vous remarquerez que, dans l’Histoire, la plupart du temps, les régimes se revendiquant « démocratiques » soutiennent des régimes corrompus et dictatoriaux. La séparation entre dictature et démocratie, dans les temps contemporains, n’existe pas. Certains caractères les différencient, bien sûr, mais le fond est le même : le maintien d’une élite au pouvoir. En dictature, ce maintien passe par la force ; dans nos prétendues démocraties actuelles, il passe par la propagande.
