Arrêt du « Téléshopping » de TF1 : une page de 38 ans se tourne, symbole d’un format télé dépassé.
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Par Ryan •
© Téléshopping
Après trente-huit ans de présence quotidienne à l’antenne, l’émission de téléachat « Téléshopping » va tirer sa révérence le 31 décembre 2025, scellant la fin de l’une des plus anciennes marques TV françaises encore en activité. Les animateurs actuels, Marie-Ange Nardi et Alexandre Devoise, qui pilotent cette vitrine commerciale depuis respectivement 2008 et 2014, n’ont pas reçu de communication officielle lors des réunions internes récentes, mais la chaîne a désormais rendu sa décision irrévocable.
Ce format lancé en octobre 1987, imaginé par Pierre Bellemare dans le contexte de la privatisation de TF1, aura accompagné plusieurs générations de téléspectateurs. L’histoire industrielle du programme est marquée par les rachats successifs de la société qui en assure la fabrication : après la faillite de Stars en 2023, l’espagnol Selextra a récupéré l’outil de production, tout en continuant à fabriquer sa concurrente « M6 Boutique ». Mais les faibles audiences ont rendu le modèle intenable : 130 000 fidèles seulement entre 10h et 11h, avec 4,3 % de PDA globale. Sur les femmes responsables des achats de moins de 50 ans, on monte à 4,6 %, mais l’écart reste abyssal face aux mastodontes du e-commerce comme Amazon ou Temu.
Ce déclin quantitatif est particulièrement visible si l’on compare avec l’émission qui précède : « Bonjour ! », la matinale de Bruce Toussaint, rassemble autour de 390 000 téléspectateurs pour 12,6 % de PDA. Une telle différence illustre la mutation du marché, et témoigne du fait que le modèle de démonstration télé n’intéresse plus assez pour financer une production quotidienne, malgré son prestige historique et sa place presque muséale dans l’histoire de l’audiovisuel privé français.
Le glissement stratégique de TF1 s’explique aussi par la pression concurrentielle interne : le feuilleton « Les Feux de l’amour », diffusé après l’émission, affiche en moyenne 420 000 accros et 11,7 % de PDA sur les deux derniers mois. L’inertie financière provoquée par l’effritement régulier des audiences de téléachat s’est ainsi mêlée à la logique d’optimisation de la grille. Le rallongement progressif de la matinale de Bruce Toussaint depuis janvier 2024 a, de facto, réduit l’espace laissé à « Téléshopping », accélérant la décision finale.
Cette disparition ne ferme pas totalement l’ère du téléachat sur le PAF, mais elle en réduit drastiquement l’ampleur symbolique. TF1 n’a pas officiellement annoncé le remplaçant de cette case, mais plusieurs hypothèses circulent en interne : nouvelle extension de la matinale ou retour de "Amour, gloire et beauté", éjecté de la grille fin août 2025. La chaîne assume que la sociologie du public TV du matin est désormais plus compatible avec un infotainment plus rapide qu’avec des démonstrations d’objets vendus à distance.
Les nostalgiques du téléachat trouveront refuge ailleurs : « M6 Boutique » survivra en 2026 sur sa case dominicale. L’héritage Bellemare – démonstrations, argumentaires très codifiés, co-animation duale, persuasion « en direct » – continuera donc d’exister, mais sans la vitrine « patrimoniale » qu’incarnait TF1. Ce départ de l’antenne constitue un marqueur fort de la transition entre télé shopping linéaire et consommation d’achat e-commerce — où la vidéo demeure, mais n’a plus besoin de passer par la télévision linéaire pour exister et déclencher des ventes.
