Pourquoi la Russie gagne partout pendant que l’Europe s’effondre diplomatiquement ?
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Par Abderrahmane •
© Alexei Nikolsky / AP / SIPA
Depuis plus de deux ans, les chancelleries européennes observent un phénomène inquiétant : l’influence russe, que l’on imaginait durablement affaiblie par les sanctions et son isolement international, ne cesse pourtant de s’étendre. Alors que l’Union européenne pensait que la guerre en Ukraine marquerait la fin de la puissance diplomatique de Moscou, c’est presque l’inverse qui se produit. Dans le silence des couloirs diplomatiques, la Russie regagne du terrain, tisse de nouvelles alliances et s’impose à nouveau comme un acteur central de la politique mondiale. Pendant ce temps, l’Europe peine à prendre des décisions, se divise sur ses priorités et perd du crédit dans plusieurs régions du globe.
Ce basculement ne doit rien au hasard. Il s’inscrit dans une transformation profonde de l’ordre international. Le monde n’est plus structuré autour d’un bloc occidental dominant comme après la guerre froide. Les puissances émergentes refusent désormais de se laisser entraîner dans une logique de camps. Elles veulent négocier avec tout le monde, multiplier les partenaires, diversifier leurs alliances. La Russie a très vite compris cette évolution. Malgré les sanctions, elle propose une alternative au modèle européen et américain. Peu importe que cette alternative soit imparfaite, opaque ou autoritaire. Ce qui compte, pour beaucoup de gouvernements, c’est d’avoir un choix supplémentaire, un contrepoids, une marge de manœuvre. Moscou offre exactement cela.
Sur le plan énergétique, la Russie a réussi à retourner une situation qui semblait pourtant catastrophique. L’Europe pensait qu’en coupant l’accès aux hydrocarbures russes, Moscou serait frappée en plein cœur. Mais la Russie a simplement détourné ses flux vers d’autres régions du monde. Le pétrole se vend désormais massivement à l’Inde, à la Chine et à plusieurs pays asiatiques.
En Afrique, l’avancée russe est encore plus spectaculaire. Alors que de nombreux pays africains expriment leur lassitude face aux relations parfois perçues comme paternalistes avec l’Europe, la Russie arrive avec un discours simple : soutien militaire, coopération sécuritaire, contrats sans conditions politiques et rhétorique
C’est peut-être là que se trouve la principale faiblesse de l’Union européenne : son incapacité à parler d’une seule voix. Sur les grandes questions internationales comme la Chine, l’Ukraine, l’Afrique, la sécurité ou l’énergie, les États membres s’opposent, négocient et se bloquent mutuellement. Pendant que les Européens cherchent un compromis entre vingt-sept visions différentes, la Russie prend des décisions rapides, parfois brutales mais redoutablement efficaces. La lenteur européenne n’est plus seulement un problème bureaucratique, elle devient un handicap stratégique majeur dans un monde où les rapports de force évoluent sans cesse. Ce décalage crée un contraste saisissant entre une Union prudente et un Kremlin déterminé à saisir chaque opportunité.
La Russie a également gagné une autre bataille, plus silencieuse mais tout aussi décisive : celle du récit. À travers ses médias, ses relais d’influence et sa présence constante sur les réseaux sociaux, elle diffuse une vision du monde où l’Occident apparaît comme affaibli, divisé et arrogant. À l’inverse, Moscou se met en scène comme un partenaire stable, fiable et protecteur.
Le contraste entre la Russie et l’Europe n’a jamais été aussi clair. D’un côté, un pays qui mène une stratégie pragmatique, centrée sur ses intérêts, assumant ses alliances et utilisant tous les leviers possibles pour étendre son influence. De l’autre, un continent qui tente d’imposer ses valeurs mais n’offre pas toujours les solutions concrètes que recherchent ses partenaires. L’Europe brandit un idéal, tandis que la Russie propose une transaction. Dans un monde de plus en plus instable, ce pragmatisme russe séduit de nombreux gouvernements qui privilégient l’efficacité à la morale.
Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas une victoire écrasante de Moscou, mais plutôt un effacement progressif de l’Europe. Une Europe qui doute et se divise laisse la place à d’autres puissances plus offensives. La Russie ne gagne pas partout par sa force : elle gagne parce que l’Europe recule. Tant que l’Union européenne ne retrouvera pas une vision commune, un leadership solide et une stratégie cohérente, ce déclin diplomatique continuera. Dans un monde qui change rapidement, la Russie a compris les nouvelles règles du jeu. L’Europe, elle, doit encore apprendre à y jouer si elle veut retrouver un rôle majeur.
