Terrorisme et violence au sein de l'Union Européenne que disent réellement les statistiques.
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Par Romain •
© GEOFFROY VAN DER HASSELT
Le rapport TE-SAT 2025 d’Europol, publié chaque année pour cartographier le terrorisme dans l’Union européenne, offre un panorama qui contraste fortement avec les perceptions médiatiques. Derrière les chiffres, derrière la mécanique froide des statistiques, se dessine une réalité plus complexe : si l’extrême gauche est responsable d’un nombre significatif d’actions, celles-ci visent presque exclusivement des biens ; tandis que l’extrême droite, bien qu’affichant peu d’attaques officiellement recensées, demeure largement sous-estimée en raison de la prévalence d’agresseurs isolés et du classement hétérogène de certains assassinats. Au sommet de la menace, le djihadisme reste la mouvance la plus meurtrière.
Selon le TE-SAT, 58 attaques ont été enregistrées en 2024, dont 24 djihadistes, 21 d’extrême gauche/anarchistes, et seulement une imputée à l’extrême droite. Derrière cette apparente disproportion, l’analyse qualitative renverse pourtant la lecture.
Terrorisme d’extrême gauche : une menace souvent surestimée
Parmi les 21 attaques d’extrême gauche, Europol indique que la quasi-totalité consiste en incendies ciblés, sabotages et dégradations matérielles. Le rôle central du sabotage ressort explicitement. Aucun mort, aucun blessé grave : la violence existe, mais elle vise des infrastructures, des véhicules, des bâtiments institutionnels ou commerciaux.
Le rapport TE-SAT met aussi en lumière un phénomène préoccupant : certains États membres ont tendance à qualifier de “terroristes” des actions qui, dans les faits, relèvent plutôt du militantisme violent ou du vandalisme politique. Cette confusion gonfle artificiellement les chiffres, entretient une perception erronée de la menace et mélange des réalités. Classer comme terroriste une attaque contre un véhicule de police ou un local administratif, alors qu’aucune vie n’est menacée, ne permet pas de comprendre correctement la cartographie des dangers.
Terrorisme d’extrême droite : une menace souvent sous-estimée
L’extrême droite, en revanche, représente une menace très différente, que les chiffres bruts ne reflètent pas. Europol recense certes une seule attaque réussie en 2024, mais 47 arrestations pour terrorisme d’extrême droite soit presque le double de l’année précédente. La majorité concerne des préparations d’attentats : constitution d'explosifs, collecte d’armes, participation à des entraînements paramilitaires, ou adhésion aux réseaux accélérationnistes.
Le rapport indique également une tendance inquiétante : la radicalisation de mineurs, certains âgés de seulement 12 ou 13 ans, ce qui place l’ultradroite au cœur d’une dynamique générationnelle et numérique nouvelle.
La logique du loup solitaire
Mais ce qui fausse le plus les statistiques est la logique du “loup solitaire”, devenue structurelle dans l’extrême droite européenne. Les attaques ne sont pas planifiées par des organisations, mais par des individus isolés, souvent radicalisés en ligne, qui agissent sans revendication ou sans lien organisationnel formel. Dans ces cas, les États ne reconnaissent presque jamais l’acte comme terroriste : il est classé “homicide”, “agression”, “fait divers”, même lorsque le mobile politique est évident. C’est ce qui explique que les chiffres officiels du TE-SAT sous-évaluent massivement la violence d’extrême droite.
L’exemple le plus marquant est celui de l’assassinat d’Aboubakar Cissé, jeune homme de 18 ans poignardé à la mosquée de La Grand-Combe en 2025. Pourtant, l’acte n’a jamais été classé comme terroriste. Ce type de meurtre, fréquent dans plusieurs pays européens, disparaît des statistiques officielles, alors même qu’il s’aligne parfaitement sur les cibles, les motivations et la logique idéologique de l’ultradroite. La différence avec les attentats djihadistes tient moins dans l’intention que dans la reconnaissance institutionnelle.
La logique du loup solitaire, point noir des statistiques
Mais ce qui fausse le plus les statistiques est la logique du “loup solitaire”, devenue structurelle dans l’extrême droite européenne. Les attaques ne sont pas planifiées par des organisations, mais par des individus isolés, souvent radicalisés en ligne, qui agissent sans revendication ou sans lien organisationnel formel. Dans ces cas, les États ne reconnaissent presque jamais l’acte comme terroriste : il est classé “homicide”, “agression”, “fait divers”, même lorsque le mobile politique est évident. C’est ce qui explique que les chiffres officiels du TE-SAT sous-évaluent massivement la violence d’extrême droite.
L’exemple le plus marquant est celui de l’assassinat d’Aboubakar Cissé, jeune homme de 18 ans poignardé à la mosquée de La Grand-Combe en 2025. L’attaque a été immédiatement assimilée par les mouvements néonazis en ligne, et l’auteur – sympathisant d’extrême droite – a revendiqué un mobile raciste et islamophobe. Pourtant, l’acte n’a jamais été classé comme terroriste. Ce type de meurtre, fréquent dans plusieurs pays européens, disparaît donc des statistiques officielles. La différence avec les attentats djihadistes tient moins dans l’intention que dans la reconnaissance institutionnelle.
Une porosité entre extrême droite et djihadisme
Le rapport TE-SAT 2025 montre d’ailleurs une convergence troublante entre djihadisme et extrême droite : la montée du terrorisme individuel, facilité par les réseaux sociaux, les forums chiffrés et les communautés de propagande. Dans les deux cas, Europol note la présence croissante de jeunes radicalisés en ligne, parfois mineurs, souvent isolés, attirés par des narrations apocalyptiques. Les six attaques djihadistes réussies de 2024 ont toutes été commises par des individus isolés, exactement comme la plupart des attentats d’extrême droite.
Le djihadisme reste toutefois la mouvance la plus meurtrière : 5 morts, 18 blessés, et 289 arrestations en 2024. C’est lui qui concentre la majorité des condamnations judiciaires, comme en témoigne le chiffre de 363 condamnations recensées dans l’UE pour des faits liés au terrorisme djihadiste. Mais si le djihadisme demeure quantitativement dominant, l’extrême droite n’est plus un phénomène marginal : elle est sous-documentée, sous-classifiée, et masquée par la catégorie “attaques déjouées”, qui ne figurent pas toujours dans les statistiques finales.
Conclusion : une vigilance nécessaire, mais une hiérarchie des dangers à respecter
Assimiler les deux extrêmes est non seulement une erreur analytique, mais aussi un risque pour la sécurité publique. L’extrême gauche produit des dégâts matériels, essentiellement symboliques. L’extrême droite s’oriente vers la violence physique, ciblée et parfois meurtrière. Le TE-SAT demande d’ailleurs aux États européens de mieux qualifier les actes pour éviter les amalgames. Une politique antiterroriste efficace doit se fonder sur la réalité des menaces, pas sur une symétrie artificielle.
Ainsi, le paysage terroriste européen repose sur un malentendu structurel. L’extrême gauche reste active mais non létale ; l’extrême droite, très dangereuse envers les personnes, se voit sous-représentée à cause des loups solitaires et du traitement pénal des faits ; le djihadisme demeure la menace la plus meurtrière, mais partage de plus en plus ses méthodes avec l’ultradroite.
