Chili : le possible retour de l'extrême droite à la présidentielle, 35 ans après la chute de Pinochet.
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Par Romain •
Trente-cinq ans après la fin de la dictature d’Augusto Pinochet, le Chili voit réapparaître une force politique que beaucoup pensaient enterrée : une extrême droite assumée, sûre d’elle, s’appuyant sur un discours sécuritaire et identitaire. Cette résurgence s’inscrit dans un pays profondément fragmenté, où une candidate communiste gagne elle aussi en influence, révélant une polarisation politique sans précédent depuis la transition démocratique.
Contexte : fatigue démocratique et crise sociale
Depuis les immenses mobilisations de 2019, le pays oscille entre espoirs de transformation et épuisement. Inflation, hausse de la criminalité, défiance envers les institutions et rejet successif de deux projets de nouvelle Constitution ont créé un climat d’incertitude généralisée. Beaucoup de Chiliens estiment que l’État n’est plus en mesure de maîtriser la situation, et cette instabilité nourrit le succès de discours plus radicaux qui promettent des solutions rapides et tranchées.
José Antonio Kast : origines et trajectoire
Dans ce paysage, José Antonio Kast apparaît comme le visage le plus visible du camp réactionnaire. Issu d’une famille d’origine allemande installée au Chili après la Seconde Guerre mondiale, il porte un héritage familial chargé : son père fut soldat de la Wehrmacht et membre du parti nazi, et son frère Miguel joua un rôle important dans l’architecture économique de la dictature. Kast, profondément marqué par un catholicisme conservateur, défend une vision d’ordre, d’autorité et de moralité traditionnelle. Sans se revendiquer ouvertement pinochetiste, il assume une proximité idéologique avec certains piliers du régime, notamment en matière de sécurité et de modèle socio-économique.
La candidate communiste : rupture et espérances
À l’autre extrémité du spectre politique, une candidate communiste séduit une partie de la jeunesse, des travailleurs précaires et des communautés marginalisées. Elle incarne la volonté d’une rupture profonde avec le modèle néolibéral hérité de la dictature : redistribution, renforcement des services publics et remise en cause des privilèges économiques. Son discours, axé sur la justice sociale, trouve un écho parmi ceux qui estiment que la transition démocratique n’a pas tenu ses promesses, et témoigne d’une demande croissante de transformations structurelles.
Polarisation et impasse du centre
Le Chili se retrouve ainsi pris entre deux projets antagonistes : d’un côté, un modèle fondé sur l’ordre, l’identité et la continuité du cadre économique hérité du passé ; de l’autre, l’ambition de renverser les structures profondément inégalitaires du pays pour construire un État social plus fort. Entre ces pôles, la gauche modérée au pouvoir, incarnée par le président Gabriel Boric, peine à maintenir un équilibre, attaquée simultanément par la droite radicale et la gauche radicale.
Une démocratie à l’épreuve
Le possible retour de l’extrême droite ne signifie pas mécaniquement un retour à un régime autoritaire, mais il révèle la vulnérabilité actuelle de la démocratie chilienne. La montée conjointe d’une droite radicale influente et d’une gauche communiste dynamique montre que le compromis devient difficile et que les enjeux du passé — mémoire, justice, modèle économique — se heurtent aux crises présentes. Trente-cinq ans après la chute de Pinochet, le Chili découvre que l’histoire n’est jamais vraiment refermée : la question centrale reste de savoir quel type de société les Chiliens veulent reconstruire au milieu d’une tempête politique qui, pour beaucoup, ne fait que commencer.
