Gouvernement Lecornu II : le camp présidentiel contre attaque, quel avenir pour le nouveau gouvernement ?
Gouvernement Lecornu II : le camp présidentiel contre attaque, quel avenir pour le nouveau gouvernement ?, le décryptage, le décryptage.fr, ledecryptage, ledécryptage, site, média, presse, news, conflit, guerre, fait-divers, info, journal, économie, justice, decrypt, décrypte, décryptons
Par Baptiste •

Le camp présidentiel contre-attaque
Gouvernement Lecornu II : le retour des équilibristes. Un nouvel espoir :
Très exactement sept jours après la nomination du gouvernement Lecornu, c’est ce dimanche soir à 22 heures tapantes qu’a été dévoilée la liste des trente-quatre ministres composant ce nouvel exécutif, défini comme un gouvernement de « mission » chargé de donner à la France un budget. Le Premier ministre aurait d’ailleurs demandé à ses ministres d’effectuer l’ensemble des passations de pouvoir en l’absence de la presse et des invités, conformément à sa volonté d’incarner un « moine-soldat », comme il aime se définir.
Conséquemment aux volontés de LR, de l’UDI et de certains ministres en poste comme Agnès Pannier-Runacher (ministre démissionnaire de l’Écologie), c’est donc le grand jeu des chaises musicales avec le départ de plusieurs poids lourds de l’ancien gouvernement : Élisabeth Borne, Bruno Retailleau, mais également Manuel Valls. Font leur entrée Laurent Nuñez, jusqu’alors préfet de police de Paris, Jean-Pierre Farandou, ancien PDG de la SNCF, nommé au Travail, et Monique Barbut, présidente du WWF France, qui hérite de l’Écologie.
Rachida Dati (Culture), Roland Lescure (Économie), Jean-Noël Barrot (Affaires étrangères) et Gérald Darmanin (Justice) conservent leurs maroquins. La reconduction du garde des Sceaux pose néanmoins question, alors même que Sébastien Lecornu avait indiqué vouloir écarter les personnalités ayant des ambitions présidentielles de son gouvernement. Par ailleurs, le maintien d’Annie Genevard à l’Agriculture, de Rachida Dati à la Culture et l’entrée de Philippe Tabarot aux Transports auront pour conséquence leur exclusion immédiate du parti Les Républicains, a annoncé la direction du parti à la suite de la présentation du nouveau gouvernement.
Tout sur le rouge :
Une question brûle toutes les lèvres ce soir : comment a été construit, et comment va se construire, ce nouveau gouvernement ? La nomination de Sébastien Lecornu semble traduire à la fois un manque de volonté des Républicains d’assumer la charge du gouvernement et l’échec des négociations avec le Parti socialiste, qui posait comme conditions l’abolition de la réforme des retraites et l’adoption de la taxe Zucman.
La mission du gouvernement est donc double : réinscrire le camp présidentiel dans une position centrale, la plus à même de négocier des compromis avec les uns et les autres, tout en évitant la motion de censure qui suivra la très attendue déclaration de politique générale du Premier ministre en début de semaine. Le dépôt du projet de loi de finances devra d’ailleurs intervenir immédiatement après, afin de respecter le délai de soixante-dix jours prévu pour le débat parlementaire avant l’adoption finale.
Ce repositionnement en tant que parti charnière à l’Assemblée est également, pour Emmanuel Macron, une manière de préserver autant que possible son héritage politique en plaçant la droite et la gauche en situation de neutralisation mutuelle : toute alliance trop affirmée de l’un ou de l’autre risquerait d’entraîner une dissolution aux effets incertains. S’il est probable que quelques concessions soient faites – taxation des hauts patrimoines, suspension de certaines aides destinées aux immigrés –, aucun changement majeur de la politique économique n’est à prévoir.
Toutefois, face au mécontentement et à la frustration que génèrera cette stratégie, ce calcul pourrait bien se retourner contre un gouvernement plus fragile que jamais, privant alors la France de l’adoption d’un texte budgétaire avant la fin de l’année.
Tout sur le noir :
Si la première stratégie est la plus probable, l’exécutif pourrait aussi choisir de laisser champ libre au Parlement afin d’amender le budget, renonçant dans un premier temps à l’usage de la procédure prévue par l’article 49.3 de la Constitution. Mais cette ouverture pourrait n’être qu’apparente : en cas de blocage, le gouvernement disposerait toujours de la possibilité d’utiliser l’article 47, lui permettant d’adopter le budget par voie d’ordonnances. Cette manœuvre aurait un double effet : se dédouaner de la responsabilité d’un échec tout en reprenant la main sur le calendrier budgétaire. Une stratégie risquée toutefois, car elle pourrait être perçue comme un passage en force et provoquer la chute du gouvernement.
Dans tous les cas, ce dernier ne pourra survivre qu’en s’autonomisant d’Emmanuel Macron, tout en laissant à l’Assemblée assez de marge pour dégager, au cas par cas, des majorités de circonstance.
La grande confiscation :
Ce remaniement ne doit pas faire oublier que le camp présidentiel, privé de la participation des Républicains, de l’UDI et avec la prise de distance d’Horizons, n’est plus la première coalition de l’Assemblée nationale. Cette position revient désormais au Nouveau Front populaire, élu sur un programme commun et arrivé en tête des élections malgré ses fractures internes.
Pour Joseph Schumpeter, qui avait une vision particulièrement pessimiste, la démocratie est au minimum le régime dans lequel le peuple est libre de choisir son propre tyran. Cette définition semble aujourd’hui contredite par le maintien au pouvoir d’un camp présidentiel qui a perdu deux élections successives et dont l’alliance post-électorale, formée pour empêcher la coalition de gauche d’accéder au pouvoir, est aujourd’hui caduque.
La légitimité du président, issue de son élection au suffrage universel, se heurte désormais à celle de l’Assemblée, qui, sans parvenir à un accord, trouve pourtant une majorité pour rejeter sa politique. Cet écartèlement du pouvoir exécutif, causé par la double responsabilité du Premier ministre devant le président et devant la représentation nationale, s’inscrit dans un contexte de tripartition durable de l’Assemblée dont aucune force politique ne semble pouvoir sortir à long terme, sinon le Rassemblement national.
Cette tripartition, fruit de la recomposition du champ politique français au cours des deux dernières décennies, rend improbable tout retour à la stabilité sans une adaptation profonde de nos institutions. Seule une réforme d’envergure, apte à redonner sens et efficacité à notre système représentatif, permettrait à la France de renouer avec la stabilité — et peut-être, à nouveau, avec la démocratie.