Procès Bilongo - Bruno Attal : l’accusation d’antisémitisme brandie comme une arme politique sans preuve.
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Par Ryan •
© Victor Joly/ABACA
Le tribunal judiciaire de Paris s’est penché sur une affaire explosive mêlant politique, réseaux sociaux et accusations d’antisémitisme, révélatrice d’une radicalisation assumée du discours public. Bruno Attal, ancien policier devenu militant très actif sur X, y comparaissait pour injure publique à caractère antisémite visant Carlos Martens Bilongo, député de La France Insoumise. Un dossier emblématique de la façon dont la dénonciation militante peut basculer dans l’attaque personnelle frontale.
Les faits remontent au 6 novembre 2022. Ce jour-là, Bruno Attal publie sur son compte Twitter une image de Carlos Martens Bilongo entouré de plusieurs figures politiques, accompagnée d’un texte :
Aucun développement, aucune contextualisation, aucun fait précis. Pour l’élu LFI, le message est limpide : il s’agit de l’associer publiquement à l’antisémitisme, par simple juxtaposition visuelle, dans une logique de discrédit par contamination.
Choqué, Carlos Martens Bilongo dépose plainte quelques jours plus tard. Il considère que ce message ne relève ni de la critique politique ni de l’opinion, mais bien d’une injure publique infamante, fondée sur une accusation aussi grave que fausse. Selon lui, ce tweet s’inscrit dans une stratégie de harcèlement politique visant à l’affaiblir symboliquement en exploitant un terme chargé d’histoire et de souffrance.
À l’audience, Bruno Attal ne manifeste aucun regret. Bien au contraire, il revendique pleinement ses propos et adopte une posture de confrontation. « Je dis que la France Insoumise est antisémite, je ne fais pas de concession », affirme-t-il sans détour. Puis il radicalise encore sa position en développant une logique d’amalgame assumée : « Quand on est avec quelqu’un, on est contaminé par ses idées : être à côté d’un antisémite implique d’être antisémite aussi. »
Loin de tempérer, l’ancien policier martèle : « Je dis que la France Insoumise est passionnément antisémite. » Pour lui, son tweet relève d’une dénonciation politique légitime, qu’il estime protégée par la liberté d’expression. Il se présente comme celui qui ose dire tout haut ce que d’autres tairaient, quitte à généraliser et à frapper sans distinction.
Pour étayer son discours, Bruno Attal évoque Nabil Koskossi, militant qu’il accuse d’entretenir des liens avec des islamistes et des antisémites. Il affirme néanmoins, dans une contradiction notable : « Je ne crois pas qu’il soit antisémite lui-même, mais il gravite autour d’un milieu dangereux. » Une formule qui illustre parfaitement la mécanique du procès : accuser sans prouver, suggérer sans démontrer, et maintenir la suspicion comme une vérité politique.
Bruno Attal convoque également une manifestation pro-palestinienne organisée en 2014 à Sarcelles, qu’il relie à des figures proches de La France Insoumise. Selon lui, ce type d’événement serait le terreau d’une haine d’Israël et des Juifs : « C’est dans ce genre de rassemblement que s’exprime la haine, et c’est cela que je dénonce. » Là encore, l’argumentation repose sur des raccourcis idéologiques plutôt que sur des éléments factuels précis visant le député.
L’ancien policier se défend de toute intention injurieuse et retourne l’accusation : « Vous pouvez m’insulter, mais moi je n’aurais pas le droit de dénoncer les antisémites ? » Il rappelle son passé professionnel, affirme avoir « donné son sang pour la France », souligne n’avoir jamais été condamné, et explique son choix de se défendre seul : « Je ne prends pas d’avocat, parce qu’ils veulent m’assécher financièrement. » Une posture de victimisation offensive destinée à transformer le prévenu en résistant.
Face à lui, Carlos Martens Bilongo livre un témoignage ferme, parfois ému. Pour le député, cette attaque dépasse largement le cadre d’un tweet polémique. « Être accusé d’antisémitisme, c’est une marque indélébile », explique-t-il, rappelant son engagement constant pour le vivre-ensemble et la lutte contre toutes les formes de racisme. Il dénonce une stratégie visant à l’abattre politiquement en nourrissant la haine et la division.
Son avocat insiste sur la portée symbolique et juridique du terme utilisé. Le mot « antisémite », rappelle-t-il, n’est pas un qualificatif politique comme un autre. Il renvoie à l’une des formes les plus graves de haine et, utilisé sans faits précis, constitue une injure publique caractérisée. La défense souligne que la liberté d’expression n’autorise pas l’atteinte à la dignité personnelle.
Le tribunal rappelle alors un principe fondamental du droit français : critiquer une idéologie ou un parti est permis, accuser une personne d’antisémitisme sans éléments concrets relève de l’infraction. Toute la question est donc de déterminer si les propos de Bruno Attal s’inscrivent dans un débat d’intérêt général ou s’ils constituent une stigmatisation personnelle déguisée en combat moral.
Le jugement a été mis en délibéré. Mais au-delà de la décision à venir, l’audience restera comme un moment révélateur d’une époque où certains militants assument de frapper fort, quitte à frapper faux. Ce procès interroge frontalement la frontière entre liberté d’expression, responsabilité publique et instrumentalisation politique d’un mot chargé d’histoire, dans une France où les réseaux sociaux servent de plus en plus de tribunaux d’opinion.
