2027 : Primaire à gauche, ça passe ou l’extrême droite passe - S’unir ou disparaître.
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Par Anas •

Le spectre d’une primaire impossible
Depuis la séquence du Nouveau Front populaire (NFP), la gauche française se trouve dans une position peu commode : elle a redécouvert la puissance du collectif tout en ravivant ses plus vieilles fractures.
Le Parti socialiste (PS), ressuscité après des années de quasi-disparition électorale, se redresse sur les ruines de son effacement macronien.
La France insoumise (LFI), de son côté, reste la principale force motrice en termes de dynamique militante et de capacité d’imposition symbolique.
Mais la réciprocité ne produit plus l’union. LFI revendique l’hégémonie du mouvement, le PS celle de l’institution. L’une cherche à transformer la gauche en bloc populaire-écologique, l’autre veut reconstruire une social-démocratie européenne tempérée. Ce désaccord est moins programmatique qu’anthropologique : il oppose deux conceptions de la représentation, deux régimes de légitimité.
Ainsi se dessinent trois scénarios possibles pour 2027 — trois manières de régler la question de la désignation du candidat commun, ou plutôt de son impossibilité.
Scénario A — La Primaire de la Synthèse : le rêve régulé d’une démocratie interne
Dans ce scénario, les forces de gauche s’accordent pour mettre en place une primaire ouverte et encadrée, un processus transparent destiné à désigner une candidature commune sans éclatement. Ce serait une forme de retour au moment fondateur de 2011 — la primaire du PS ayant désigné François Hollande — mais enrichie des leçons de l’échec de 2017 : moins de culte du chef, plus de garanties collectives.
L’idée, défendue notamment par certains intellectuels socialistes et par des figures comme Rémi Lefebvre ou Julia Cagé, repose sur une institutionnalisation du désaccord : la compétition devient un outil de convergence, à condition que le cadre soit clair. Chaque formation présenterait son candidat (ou sa candidate), mais sur la base d’un socle programmatique préalablement signé — une trentaine de mesures indiscutables : bifurcation écologique, justice fiscale, réindustrialisation verte, VIᵉ République, etc.
Le vote se ferait selon des modalités nouvelles — jugement majoritaire, vote par approbation, ou second tour pondéré — afin d’éviter les effets de mobilisation sectaire. Ce système, inspiré par les théories du choix social (Balinski et Laraki), permettrait de mesurer non pas la ferveur, mais le degré d’acceptabilité de chaque profil. Le vainqueur n’aurait donc pas 51 % de suffrages utiles, mais la meilleure « mention majoritaire » : un indicateur de compatibilité collective.
Les avantages :
- Légitimité démocratique et pacification du champ militant.
- Capacité à recomposer une culture commune, donc un langage partagé.
- Ressource morale face au duel RN–Macronie.
- Le PS redoute la domination numérique des insoumis, plus mobilisés.
- LFI craint la neutralisation de sa radicalité par un processus institutionnel.
- L’expérience du NFP montre que les coalitions fonctionnent mieux sous la contrainte électorale que sous la co-gestion.
Ce scénario suppose un niveau de confiance interpartisane dont la gauche est aujourd’hui démunie. Il reste, pourtant, celui qui maximise les chances d’unité réelle.
Scénario B — La Confrontation Ouverte : l’affrontement hégémonique
Deuxième hypothèse : la primaire échoue avant même d’exister. Le PS et LFI, ne parvenant pas à s’accorder sur les règles, décident chacun de partir en campagne avec leur propre candidat. Ce serait la répétition du duel latent Mélenchon–Hollande version 2.0, ou plus vraisemblablement un Glucksmann vs figure insoumise (Ruffin, Obono, ou autre).
Ce scénario n’est pas une catastrophe électorale assurée, mais il correspond à une logique d’hégémonie compétitive. Chaque camp pense qu’il doit affirmer sa centralité avant de négocier. LFI estime que sa base populaire et sa radicalité sont l’avenir. Le PS pense qu’il doit incarner la crédibilité gouvernementale pour survivre.
Ce modèle correspond à ce que les politologues appellent un jeu à somme non nulle mais à visibilité nulle : chacun gagne en visibilité ce que l’ensemble perd en potentiel électoral. LFI mobilise sa base, le PS rassure les modérés — mais les deux additionnent des minorités. Au premier tour de 2027, cela aboutirait sans doute à deux candidatures de gauche totalisant 22–25 % cumulés, mais aucune n’atteignant le second tour.
Historiquement, cette configuration rappelle le PS–PCF des années 1980 : le Parti communiste refusant de se soumettre à la social-démocratie avant de finir marginalisé. Mais ici, la symétrie est inversée : c’est le PS qui craint la marginalisation sous l’hégémonie de LFI.
Les conséquences :- Renforcement du Rassemblement national, qui capterait les déçus de la division.
- Retour du vote « utile » dès le premier tour.
- Crise symbolique du mot « gauche », vidé de sa fonction de rassemblement.
La confrontation ouverte est, à court terme, la plus probable — et, à long terme, la plus destructrice.
Scénario C — La Coalition Anti-LFI : le recentrage sous bannière européenne
Il s’agirait d’une gauche « de gouvernement » recentrée autour du PS, de Place publique et d’écologistes modérés, assumant sa rupture avec LFI. Ce bloc miserait, à notre sens, sur une esthétique de la responsabilité : pro-européenne, écologiste, féministe, humaniste — une gauche « mature », en somme, opposée à ce qu’elle présente comme les « outrances » populistes de LFI. L’objectif serait de capter l’électorat urbain, diplômé, européen, tout en reconquérant une partie du centre-gauche macroniste.
Mais en s’épurant pour redevenir « respectable », cette gauche risque de s’éloigner du monde populaire que LFI a su mobiliser. Frédéric Lordon l’appelle « l’effet centrifuge de la raison gestionnaire » : plus la gauche se rationalise, plus elle perd son potentiel mobilisateur.
Ce scénario pourrait toutefois produire une primaire restreinte, sans LFI, entre PS, écologistes et gauche sociale-démocrate. Une telle primaire aurait le mérite de la clarté, mais l’inconvénient d’une fermeture stratégique : la gauche modérée se retrouverait enfermée dans le rôle d’appoint moral du centre. En d’autres termes, la gauche de gouvernement redeviendrait ce qu’elle avait juré de ne plus être : un parti d’administration du réel, pas de transformation.
Trois avenirs, une même impasse
La gauche française avance vers 2027 comme un convoi sans locomotive. Le scénario de la synthèse régulée suppose un degré de confiance qui n’existe pas ; celui de la confrontation ouverte offre la visibilité mais condamne la victoire ; celui de la coalition recentrée restaure la respectabilité mais sacrifie la dynamique populaire.
En réalité, chacun de ces chemins correspond à une réponse différente à une question plus profonde : quelle gauche veut-on faire vivre ? Une gauche d’ordre et de réforme (PS), une gauche de rupture et de conflictualité (LFI), ou une gauche d’équilibre et de témoignage (Place publique–Écologistes) ?