Boualem Sansal : la médiation allemande, entre stratégie diplomatique et rivalité franco-algérienne.
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Par Adil •
© Nicolas Parent / MAXPPP
La libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, gracié par le président Abdelmadjid Tebboune le 12 novembre 2025 après près d’un an de détention, a suscité de nombreuses interrogations diplomatiques. Officiellement, cette décision répond à une demande du président allemand Frank-Walter Steinmeier. Cette annonce soulève une question centrale : l’Allemagne a-t-elle négocié au nom de la France ou l’Algérie a-t-elle volontairement choisi Berlin pour éviter de donner raison à Paris ?
Depuis plusieurs années, les relations franco-algériennes sont marquées par des tensions récurrentes. L’arrestation de Boualem Sansal en novembre 2024, suivie de sa condamnation en mars 2025 pour « atteinte à la sûreté de l’État », a aggravé ce climat. L’écrivain, critique du pouvoir algérien, abordait des sujets sensibles liés à l’histoire et aux frontières du pays. Bien que Paris ait exprimé son inquiétude, Alger est restée silencieuse, figeant ainsi la situation diplomatique.
C’est le président allemand Frank-Walter Steinmeier qui a officiellement demandé la grâce de Sansal. Quelques semaines plus tard, c’est Berlin, et non Paris, qui obtient sa libération. L’écrivain est transféré vers l’Allemagne à bord d’un avion militaire allemand pour y recevoir des soins. Le communiqué officiel algérien précise que la grâce a été accordée en réponse directe à la demande du président allemand, sans mentionner la France.
Certains observateurs estiment que l’Allemagne aurait pu agir comme intermédiaire pour éviter un affrontement entre Paris et Alger. L’écrivain étant français, la France avait des raisons d’intervenir. L’Union européenne, attachée à la liberté d’expression, aurait également pu encourager cette médiation. Toutefois, aucune preuve officielle ne confirme une action de Berlin à la demande de Paris, et l’absence de référence française dans les communiqués algériens rend cette hypothèse peu probable.
L’analyse la plus plausible est celle d’un choix stratégique de l’Algérie. Pour préserver son image souveraine, Alger a préféré éviter toute perception de soumission à la France. Une libération obtenue sous pression française aurait été perçue comme un recul politique. En s’appuyant sur Berlin, l’Algérie a trouvé un partenaire européen neutre, dépourvu de passif colonial ou de tensions mémorielles. Le transfert de Sansal dans un avion militaire allemand symbolise une opération maîtrisée, pilotée par Alger sans reconnaissance du rôle français.
La France, bien qu’ayant salué la libération de Sansal, n’a pu en revendiquer aucun mérite. Le message d’Alger est limpide : le partenaire privilégié dans cette affaire n’est pas Paris mais Berlin. Cette dynamique révèle une évolution géopolitique majeure : l’Allemagne s’affirme comme un acteur diplomatique influent dans une région historiquement dominée par l’influence française. Pour Paris, cette situation traduit une perte de crédibilité dans la défense de ses ressortissants.
Pour l’Allemagne, cette médiation représente un succès diplomatique. Berlin s’impose comme une puissance influente capable d’obtenir des résultats dans un dossier mêlant droits humains, souveraineté nationale et enjeux euro-maghrébins. Elle renforce ainsi sa présence diplomatique en Afrique du Nord et consolide son image de médiateur neutre.
En définitive, la libération de Boualem Sansal dépasse le cadre humanitaire. Elle met en lumière un jeu diplomatique subtil où l’Algérie a privilégié un partenaire européen autre que la France pour affirmer sa souveraineté. L’Allemagne n’a pas négocié pour la France, mais à sa place. Ce choix illustre la volonté d’Alger de désamorcer l’affaire Sansal tout en conservant le contrôle politique et diplomatique du dossier.
