Enquête : la France accusée de livrer des pièces de drones à Israël malgré le cessez-le-feu.
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Par Ryan •

Une semaine après le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, une enquête de Disclose met en lumière la poursuite de livraisons françaises de matériel militaire à destination d’Israël. La société Sermat, spécialisée dans l’électromécanique de précision, s’apprête à expédier, ce lundi 20 octobre, un lot de générateurs électriques à Elbit Systems, principal fournisseur de l’armée israélienne. Ces composants doivent équiper des drones Hermes 900, massivement utilisés durant la guerre à Gaza.
Les documents obtenus par Disclose montrent que Sermat a livré, depuis deux ans, pour 843 300 euros de pièces à Elbit Systems, la plupart après le 7 octobre 2023. Parmi les envois récents, on retrouve 29 alternateurs et 171 actionneurs (actuators), essentiels au fonctionnement des drones, mais non classés comme matériel militaire, échappant ainsi aux autorisations d’exportation. Les colis, selon l’enquête, devaient transiter par l’aéroport Charles-de-Gaulle avant leur acheminement en Israël.
Ce nouvel épisode fait écho à d’autres livraisons autorisées par la France : fin octobre 2023, au moins 100 000 pièces de cartouches pour fusils mitrailleurs ont été expédiées vers Israël. Malgré les dénégations officielles, ces faits relancent le débat sur la responsabilité française dans les violations du droit international. Des ONG, dont Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER), ont déjà saisi la justice pour des soupçons de complicité de crimes de guerre.
Le Premier ministre Sébastien Lecornu a réagi le 14 octobre à l’Assemblée nationale : « La seule chose que je ne peux pas accepter, c’est de dire que la France a participé à un génocide à Gaza. Pas une arme française n’est allée à la destination de Tsahal. » Pourtant, les données collectées par les journalistes d’investigation semblent contredire cette version, en révélant des exportations indirectes sous couvert de matériel civil ou industriel.
Selon Middle East Eye et Anadolu Agency, la France aurait maintenu, depuis 2023, un flux régulier d’équipements vers Israël, y compris des systèmes à double usage. Ce flou juridique, associé à la classification ambiguë de certains composants, permettrait à plusieurs entreprises françaises de contourner les interdictions formelles d’exportation militaire.
Ces révélations posent une question majeure : la France respecte-t-elle réellement ses engagements internationaux ? En tant que signataire du Traité sur le commerce des armes et du règlement européen sur les biens à double usage, elle est tenue d’empêcher toute exportation susceptible de contribuer à des violations du droit humanitaire. Or, les livraisons de Sermat à Elbit Systems montrent les limites de ces cadres juridiques.
Les pièces fournies par Sermat ne sont pas considérées comme des armes, mais leur rôle est crucial : elles alimentent les moteurs des drones Hermes 900, utilisés pour les frappes aériennes à Gaza. En pratique, ces composants « civils » deviennent un élément militaire une fois intégrés aux appareils. Ce mécanisme d’ambiguïté industrielle permet à certaines entreprises de contribuer indirectement à l’effort de guerre israélien sans enfreindre explicitement la loi.
Les ONG réclament plus de transparence sur les licences d’exportation délivrées par la Direction générale de l’armement (DGA) et le ministère de l’Économie. En juin 2025, plusieurs associations ont déjà déposé des plaintes contre des fabricants français, notamment Eurolinks, accusé d’avoir fourni des composants à Israël. Ces démarches visent à établir la responsabilité de l’État dans un système d’exportations tolérant les dérives.
Sur le plan diplomatique, ces révélations fragilisent la position de la France, qui tente de maintenir une posture d’équilibre entre soutien à Israël et défense du droit humanitaire. À l’international, des voix s’élèvent pour demander la suspension immédiate des exportations françaises d’équipements sensibles vers Israël. L’affaire Sermat-Elbit pourrait ainsi devenir emblématique d’une Europe qui proclame la paix tout en alimentant des guerres par la porte industrielle.
À l’heure où la reconstruction de Gaza reste incertaine, cette enquête souligne le poids des chaînes d’approvisionnement occidentales dans le maintien du conflit. Entre intérêts économiques et impératifs éthiques, la France devra bientôt répondre à une question essentielle : peut-elle encore prétendre ne pas être impliquée dans la guerre à Gaza ?